Eddy Adams, Expert URBACT, nous fait part de l'expérience et des enseignements de la première génération des réseaux de transfert URBACT.
Au moment où j'écris ces lignes, c'est la saison des examens. Dans toute l'Europe, les étudiants se préparent à être testés, dans un processus qui mettra en lumière ce qu'ils savent et ce qu'ils ne savent pas. J'ai pensé aux Réseaux de transfert URBACT, qui ont conçu et testé des moyens de transférer des solutions urbaines efficaces. En repensant au début, je me rends compte que l'on nous a également posé une question d'examen :
« Étant donné que les villes d'Europe sont confrontées à des défis similaires, comment pouvons-nous les aider à transférer plus efficacement leurs bonnes pratiques ? Que pouvons-nous faire pour reproduire, mettre à l'échelle et généraliser certaines des grandes idées qui ont émergé dans nos villes au cours des dernières années ? »
Depuis lors, j'ai été au cœur de ce processus, en aidant à façonner l'approche, en travaillant avec nos villes partenaires et, avec elles, en apprenant beaucoup en cours de route. Permettez-moi de partager avec vous ce que nous avons appris, ce qu'URBACT a fait ensuite pour tirer parti de cet apprentissage et comment tout cela s'inscrit dans le contexte plus large de l'évolution des programmes et des priorités de la politique urbaine de l’Union européenne.
Comment les choses se sont-elles passées en 2018 ?
Lorsque nous nous sommes lancés dans cette aventure, nous savions déjà certaines choses importantes. L'une d'entre elles était que les réseaux transnationaux sont des outils efficaces pour renforcer les capacités des villes. En offrant un espace structuré pour l'apprentissage par les pairs - soutenu par une méthode URBACT clairement définie, et un ensemble d'outils bien développés - URBACT avait déjà établi sa forte réputation pour permettre des approches intégrées et participatives. Nous savions également que la combinaison d'une ville partenaire principale et d'un expert référent fonctionne généralement bien.
Tout cela, nous l'avions appris des Réseaux de planification d’action (Action Planning Networks) qui constituent le cœur de métier d'URBACT depuis 2002. Mais les réseaux de transfert (Transfer networks) étaient une autre proposition. Pour la première fois, les partenaires sont entrés avec une ville qui détenait déjà une solution testée. Nous avions plusieurs questions auxquelles nous espérions trouver des réponses.
Une question clé était de savoir comment ces bonnes pratiques pouvaient être transformées dans d'autres contextes locaux. Nous ne savions toutefois pas comment ce nouveau processus affecterait le fonctionnement du réseau. Nous ne savions même pas si les villes ayant de bonnes pratiques se manifesteraient et s'engageraient à transmettre leurs connaissances pendant trois ans. Enfin, nous nous demandions si ce nouveau type de réseau allait nécessiter de nouveaux outils de soutien.
Alors que les réseaux issus de la première vague terminent aujourd’hui leur travail, nous avons des réponses à ces questions clés. Et, sans surprise, en cours de route, nous avons découvert d'autres choses auxquelles nous n'avions pas pensé ! Et je ne parle pas seulement de la pandémie, sur laquelle nous reviendrons plus tard. Mais d'abord...
Quels sont les résultats ?
Nous savons que les réseaux de transfert URBACT ont été un succès. Les 23 réseaux ont impliqué 161 villes de 15 pays, dont 37% de villes qui n’avaient jamais participé au programme URBACT. En termes de résultats, au moins 76% des villes qui ont transféré la bonne pratique sont convaincues que ces bonnes pratiques seront réutilisées.
Le pilotage des réseaux de transfert URBACT a débuté en 2016 par un appel à l'identification de bonnes pratiques urbaines.
Examinons deux exemples de la manière dont ces réseaux récoltent aujourd'hui les fruits de leur collaboration et envisagent les prochaines étapes.
Lors de la conférence finale de Making Spend Matter en mars 2021, le réseau a expliqué que tous les partenaires ont adapté l'approche innovante de Preston (Royaume-Uni) pour améliorer l'impact local des marchés publics. En outre, la portée du réseau a été étendue grâce à la production d'une boîte à outils et à la diffusion d'un cours en ligne sur les marchés publics stratégiques qui a attiré plus de 600 participants. Si l'on ajoute à cela l'influence du réseau sur le partenariat de l'Agenda urbain sur les marchés publics, il est difficile de ne pas être impressionné.
La même semaine, le réseau Bio-Canteens a organisé un événement réussi au Parlement européen pour promouvoir sa campagne visant à encourager la production d'aliments biologiques locaux et abordables dans les villes. Les projets à venir prévoient un rôle actif lors de la COP26 et une place importante au sein du groupe d'activités liées à l'alimentation d'URBACT.
Qu'avons-nous appris en cours de route ?
Une étude récente des réseaux de transfert a confirmé plusieurs leçons importantes tirées de ce travail. L'une des conclusions cruciales est l'importance de « modulariser » ou décomposer les initiatives stratégiques complexes afin de les rendre plus faciles à adapter et à reproduire. Nous avons également constaté l'intérêt de commencer par une analyse des bonnes pratiques par une tierce partie afin de s'assurer qu'elles soient transparentes et plus faciles à comprendre.
Le mantra du transfert URBACT "Comprendre, Adapter, Réutiliser" reflète les principes fondamentaux qui sous-tendent le processus de transfert. Il ne s'agit pas d'un exercice de copier-coller.
Il est également clair que les chefs de file ont bénéficié du partage de leurs bonnes pratiques de plusieurs façons : en se faisant connaître à travers l'Europe et en identifiant des améliorations basées sur l'examen des autres villes partenaires. L'apprentissage a rarement, voire jamais, été à sens unique et la culture collaborative de tous les réseaux URBACT est restée.
En prime, nous avons appris des choses que nous n'avions pas prévues. L'une d'entre elles est que l'expert référent assume davantage un rôle de coaching par rapport au modèle traditionnel du réseau URBACT. En effet, c'est la ville partenaire qui détient la connaissance approfondie du contenu de la pratique plutôt que l'expert référent qui apporte l'expertise thématique principale.
Et, bien sûr, la plus grande inconnue était le Covid ! À mi-parcours, ces réseaux ont dû modifier radicalement leurs méthodes de travail, car les voyages internationaux ont été interrompus.
Avec le soutien actif du Secrétariat URBACT, ils ont adopté une nouvelle génération d'outils en ligne pour maintenir leur élan et terminer le travail. Il ne fait aucun doute que cela a été difficile pour beaucoup mais ces leçons ont été très précieuses. A l'heure où nous voyageons moins, la collaboration transnationale ne sera plus jamais la même et ce sont peut-être les nouvelles méthodes de travail numériques dont ils ont été les pionniers qui sont devenues la marque de fabrique de ces réseaux.
Quelles sont les prochaines étapes pour le modèle de transfert ?
En amont de la nouvelle période de programmation, URBACT souhaite tester de nouveaux moyens de tirer parti du succès de cette première vague de réseaux de transfert et a déjà décidé de trois types de pilotes pour ce faire.
Le premier d'entre eux est assez simple : une deuxième vague de réseaux de transfert s'appuyant sur les expériences de la première. Les chefs de file de la première vague de réseaux ont pu répondre à un appel à répéter leur expérience avec un nouveau groupe de villes. Cela leur permettra de tirer les leçons de la première tentative et de choisir ce qu'il faut faire différemment. Ils devraient être encore plus efficaces !
Le second est le nouveau "mécanisme de transfert UIA" qui permettra de tester le transfert des actions urbaines innovantes (UIA). Cette nouvelle collaboration avec UIA permettra d'explorer les moyens de reproduire et de mettre à l'échelle les leçons tirées de ces projets d'innovation à grande échelle. Les villes de transfert élaboreront un plan d'investissement pour une version adaptée de la pratique d’UIA, tandis que les villes UIA d'origine élaboreront un plan tremplin, conçu pour soutenir et étendre le projet d'origine.
Un nouveau défi pour les réseaux de transfert UIA est que les projets UIA sont des initiatives d'innovation fraîchement sorties du laboratoire et, dans certains cas, toujours en cours. Une première étape cruciale sera de les résumer et de les expliquer en termes clairs, tout en évaluant leur potentiel de transfert et la meilleure façon d'y parvenir.
La troisième initiative de transfert URBACT est l’initiative nationale de transfert (National Practice Transfer Initiative, NPTI), qui vise à « transmettre » une pratique transférée avec succès à d'autres villes du même pays. Cinq réseaux pilotes sont dirigés par les Points Nationaux URBACT avec une ville chef de file qui a participé à l'un des réseaux de transfert originaux. Les premiers pilotes ont été approuvés en Italie, Irlande, Estonie, Slovénie et une initiative conjointe en République tchèque et Slovaquie.
Comment cela s'intègre-t-il dans le tableau d'ensemble ?
Alors que nous entrons dans une nouvelle période de programmation, la politique urbaine de l'UE est à la croisée des chemins. La proposition d'Initiative urbaine européenne (European Urban Initiative, EUI) vise à améliorer les synergies entre les différents programmes urbains et à soutenir l'adoption de pratiques urbaines efficaces dans le cadre des principaux programmes de la politique de cohésion. Les initiatives de transfert d'URBACT arrivent à un moment particulièrement pertinent en fournissant de bons exemples de la manière dont nous pouvons y parvenir en pratique.
La collaboration entre URBACT et UIA peut apporter une contribution précieuse car elle est susceptible de renforcer les liens opérationnels, de générer des points d'apprentissage partagés et d'impliquer les autorités de gestion dans le développement des plans d'investissement urbains.
Une autre dimension importante, particulièrement reflétée dans les initiatives nationales de transfert de pratiques, est le rôle des points de contact nationaux efficaces qui peuvent faire le lien entre les échelons communal, régional, national et international. Cette nouvelle initiative pilote donne une nouvelle latitude aux points de contacts nationaux URBACT, en renforçant leurs capacités, et en aidant à leur tour les petites villes, novices en matière de travail transnational, à améliorer leur jeu.
Dans le même temps, tout ceci s'inscrit dans le contexte des cinq nouveaux objectifs politiques de l'UE dont l'un est de « rapprocher l'Europe des citoyens ». A nouveau, à un moment crucial où la confiance doit être reconstruite, URBACT fournit un exemple clair de la manière dont cet objectif peut être atteint. Partie intégrante de la méthode URBACT, chaque ville participante crée un Groupe local URBACT (ULG pour URBACT Local Group), rassemblant un groupe représentatif de parties prenantes pour s'approprier et développer les activités de la ville au sein du programme.
La première génération de réseaux de transfert a impliqué des chefs de cuisines de collectivité, des apiculteurs, de jeunes entrepreneurs, des réfugiés, des enseignants et bien d'autres personnes. Cette approche ascendante reste au cœur de toutes les nouvelles initiatives URBACT et sert de fil conducteur à la planification des futurs investissements en matière de politique urbaine.
Rejoignez-nous lors du City Festival URBACT 2021 pour en savoir plus !
A l'heure où j'écris ces lignes, il n'est pas encore trop tard pour s'inscrire au URBACT City Festival qui est organisé du 15 au 17 juin 2021, un moment important dans l'agenda de tous les réseaux URBACT axés sur le transfert. Ceux qui ont participé au dernier Festival à Lisbonne en 2018 seront peut-être déçus d'apprendre que, cette année, il se déroulera en ligne mais cela permet à un plus grand nombre de personnes de participer à l'événement et d'avoir un meilleur aperçu des leçons et de l'expérience des réseaux de transfert URBACT.
Le programme apporte sa créativité habituelle pour garantir une expérience dynamique et interactive. Nous vous invitons à nous rejoindre.